Je n’en pouvais plus de voir les quatre murs qui constituaient mon appartement. J’étais en pleine périodes d’examen et ma seule activité des derniers jours était ma révision. Je n’avais pas sortie le bout de mon nez à l’extérieur depuis deux jours. Mettre mes vêtements et abandonner mes survêtements me faisaient un bien fou. Aujourd’hui je voulais changer cette vilaine routine qui allait me rendre folle. Je voulais voir des êtres humains. Certes, j’avais amené avec moi mes manuels et mes cahiers de notes, mais je pouvais enfin ressentir l’air frais de l’extérieur sur ma peau et avoir un semblant de contact avec des gens. Je m’étais extirpée de mon lit assez tôt. Je m’étais sobrement préparé et je filai rapidement vers un petit café me prendre une boisson chaude pour emporter. Je me dirigeai au parc près de mon appartement. Il faisait beau et chaud, je serai bien. Bien mieux qu’emprisonné dans mon salon. Je hais ce moment de l’année où plus rien n’existe exceptés les cours et la révision. C’est inhumain et étouffant. Je pouvais enragé seulement en y pensant. Je me retrouvai donc au centre de cet espace vert, entouré de personne qui profitait de leur journée. Il y avait des familles qui venait au parc, des couples et des amis qui se promenaient tranquillement, des personnes âgées assis sur les bancs discutant tranquillement… Et il y avait Lindsay. Je pouvais la voir courir au loin. Je souris en la voyant. J’avais tous ces souvenirs d’enfance avec elle qui refaisait surfaces. Je m’ennuyais de l’Italie et elle me la ramenait seulement par sa présence. Je profitai qu’elle me salua pour aller à sa rencontre. « Hey, salut Lindz! » Je l’appelais exactement comme dans le temps. « On se tient en forme? »

Cela me faisait bizarre de la voir. Comme si rien n’avait changé, comme si c’était hier que nous étions ensemble, inséparables. Pourtant, des années s’étaient écoulées depuis notre dernière vraie rencontre. Je ne connaissais plus rien de sa vie, plus rien de ce qui la caractérisait autrefois. Il me semblait, toutefois, que je n’aurais pas difficulté à renouer avec elle, comme avant. Je le voulais sincèrement. J’avais été à sa rencontre, la saluant avec le même surnom qu’autrefois. Je ne voulais pas changer ces bonnes vieilles habitudes. Comme ça, je conservais notre lien d’avant, comme si nous nous n’étions jamais quitté. « Oui, je suis contente aussi! » J’en souriais. « On essaie. On se tient éduqué? » Je ris légèrement. Je portai mon regard à ce qui avait entre mes mains. Puis, je remis mon attention sur Lindsay. « J’essaie aussi. Disons que mon cerveau est plus prêt de la surchauffe que du génie. » Je riais de nouveau à ma propre réplique. Signe que j’étais fatiguée, mais bon… Je savais qu’avec Lindz je pouvais encore être moi-même, sans qu’elle me juge. « Est-ce que tu as fini de courir ou…? Je ne voudrais pas te déranger dans ta mise en forme! » Je plaisantais, mais j’espérais qu’elle me dise qu’elle avait fini. Seulement pour prendre le temps de discuter un peu. Quitte à repousser mon infernale étude de quelques heures.

En moins de deux je me retrouvai assise avec mon amie d’enfance que je n’avais pas vue depuis des années. Le hasard faisait bien les choses. Après toutes ses années de séparation, nous nous retrouvions à l’endroit où je n’aurais jamais pu imaginer la croiser. Elle avait vieillie, bien sûr... Elle avait changé, sans m’être tout à fait inconnue. C’était étrange et agréable à la fois d’être avec elle. C’était un retour forcé à la maison. Je pris place en face d’elle, déposant mes livres à mes côtés. Je continuais de l’observer sans gêne. Elle était toujours aussi belle. Elle l’avait toujours été. C’était Lindsay qui faisait tourner les têtes, pas moi, et cela ne me dérangeait pas du tout! C’était mieux ainsi, en fait. Je ne pouvais quitté mon sourire de mon visage, la voir me faisait du bien. « Comment ça se passe dans ta vie en ce moment? L'Irlande te plaît toujours autant? » Bien sûr, il faudrait que je parle de moi : du pourquoi j’étais venue ici, de tout ce qui pouvait être nouveau dans ma vie. J’avais l’impression que j’avais tant de chose à lui raconter et en même temps, pas du tout. « C’est bizarre… Cela doit faire deux ans que je suis ici et j’ai toujours cette impression que je viens tout juste d’arriver. Mais ça va, je travaille dans un petit café et je suis des cours à l’université. Des cours de photographies! » Cela résumait pas mal les choses. Il ne me semblait qu’il n'y avait rien à ajouter. Triste vérité. « Et toi? Tu t’ennuies de l’Italie? Tu es venue avec Flora? » Je ne savais même pas depuis combien de temps elle était à Sligo, pourquoi était-elle venue… Je ne savais plus rien d’elle. Il était temps de rattraper ces années perdues.

Il me semblait que je n’avais pas grand-chose à raconter sur moi. J’étais rapidement entré dans une routine, depuis mon arrivé en Irlande. C’était le boulot et les études, les études et le boulot. Je commençais, finalement, à changer mes habitudes en voyant Jeffrey. Sinon, c’était ce même calme plat qui décrivait ma vie. Il me semblait que la vie de ma vieille amie était plus mouvementée. J’avais ce pressentiment, sans réellement savoir pourquoi. « Wow! La photo? Ça doit tellement être inspirant! » « Oui! C’est vraiment génial, j’accumule les petits contrats, ici et là. Ça me tient occupé. C’est devenu une passion, je crois! » Je m’emballais, j’aimais tellement parlé de ce sujet, qu’il fallait que je me contienne. De plus, parler de cela, m’empêchais d’évoquer mes vrais raisons de ma venue ici. « Bien sûr! Nous avons quittés l'Italie à mes 18 ans pour venir ici. Je crois qu'elle aime ça, elle s'est fait des copines à l'école! » Alors cela faisait quelques années qu’elles étaient ici et ce n’était que récemment que nous nous sommes croisé. C’était tout simplement une coïncidence. « Oh, je suis contente pour vous alors! Tu as fait de belles rencontres depuis que tu es ici? » C’était plutôt vague comme sujet. Je voulais qu’on laisse place à une conversation longue, je voulais tout savoir, comme avant.