Ecoutez moi bien. Quand on veut se procurer des produits passablement (totalement) illicites, trouver des jeunes personnes dont le tôt d'alcoolémie est tellement élevée qu'elles ou ils ne sauraient pas si c'est avec leur propre mère qu'ils s'envoient en l'air ou simplement extorquer des pauvres idiots, il faut connaître les bons endroits. Et quand je parle des bons endroits, je parle des endroits les plus mal fréquentés. Et quand on veut ce genre de lieu, rien ne vaut un ruin bar. Si vous ne connaissez pas ce concept et que vous vous imaginez un bar dans un lieu en ruine et bien vous avez raison. Aucun mur n'a échappé à l'assaut des tagueurs et certains sont même littéralement troués. Les murs bien entendu. Les places assises disponibles sont celles qu'offrent des canapés miteux. Certains néons semblent capricieux et pulsent en rythme avec la musique électronique violente qui résonne dans tout le bar pourtant constitué de sept pièces réparties sur deux étages.

Shansheng, assit dans l'un des canapés quasiment troué, six shots dont deux vides alignés sur la table basse face à lui, avait les yeux fermés et laissait ses poumons s'imprégner de la nicotine qu'il leur envoyait à chaque fois qu'il tirait sur sa cigarette. Bien entendu, ce n'était pas très légal mais qui irait arrêter les dizaines de personnes entrain de fumer innocemment dans ce bar aux dimensions singulières.

Soudainement, Shan se redressa, avala rapidement les quatre shots restant et se fraya doucement un chemin jusqu'aux toilettes, entra dans un cabinet et s'assura de bien le fermer à clef. Il sortit de sa poche gauche une sorte de mouchoir en tissu et sortit le même de la poche droite. Il les déplia, les posa à terre et se mit à genoux, un genou sur chaque. Puis, de sa poche intérieur, il extrait une petite pochette plastifiée contenant de la poudra blanchâtre. Bien entendu, pour des raisons de contraintes juridiques, nous tairons ici le nom de ce produit.
Shan en aligna sur le rebord de la cuvette et l'inhala. L'effet fut quasi-immédiat. Un crochet du droit.

Doucement, le sino-américain se redressa, remit les mouchoirs en tissu dans ses poches, sortit des toilettes et retourna au bar commander une bière. Rien de mieux que de l'alcool juste après avoir fait pénétrer dans votre organisme une substance chimique, n'est-ce pas ?

Alors que la musique se faisait de plus en plus brutale, le DJ décidant de passer à de la dubstep qui n'aurait pu être moins subtile, Shan avait senti quelqu'un l'observer. Vous savez, ce frisson qui vous parcours lentement l'échine comme pour vous dire de surveiller vos arrières. Le sino-américain ne savait pas si c'était sa simple paranoïa habituelle ou bien s'il avait des raisons de ressentir cette sensation. Alors, il porta la bouteille de trente-trois centilitres de bière à ses lèvres et avala une longue gorgée de la boisson.

Puis quelqu'un vint se glisser à côté de lui et lui adressa la parole. Shan leva les yeux au ciel. Bien sûr, il était stupide. C'était ça cette impression d'être observé depuis plusieurs minutes, sans aucun doute. C'est vrai, si Shansheng avait travaillé pour une agence "d'ecort-boys" et qu'on lui disait de rejoindre un client dans un endroit pareil, n'importe où en fait, il prendrait un moment pour l'observer tout en gardant ses distances. La logique. Voilà ce qui manquait parfois au musicien. En tout cas, un bon point concernant celui-qui venait de lui adresser la parole, il n'avait pas cet accent irlandais complètement insupportable. Tous ces paysans d'irlandais le répugnaient au moment même où ils ouvraient la bouche. Bien entendu, certains étaient plus fréquentables que d'autres. Quoi qu'il en soit :

- Monsieur ? J'espérais ne pas avoir l'air si vieux que ça, fit-il avec un discret sourire aux coins des lèvres, avalant une nouvelle gorgée de bière.

Le jeune homme lui décocha un très beau sourire et Shan se décida à l'observer. Son sourire n'était pas vrai, c'était une chose certaine. Mais il était en tous cas très convainquant et sans aucun doute qu'il lui avait déjà valu un certain nombre de pourboires.

Shan remarqua également qu'il était coréen. Du sud. Les européens et les américains ont beau dire que ce sont tous des bridés, il y a des différences assez fortes. Il se présenta sous le nom de Ming. Ca ne devait pas être son véritable nom ou en tout cas il n'était pas complet si c'était le cas. Les coréens, comme les chinois, ont généralement un prénom composé. Ou bien Ming était son nom de famille. Shansheng l'ignorait et se contenta de boire une nouvelle gorgée de houblon.

- Shan, se présenta-t-il à son tour avec un hochement de tête.

Reposant la bouteille sur le bar à côté de lui, Shan tendit ensuite sa main droite vers le dénommé Ming. Ce n'est pas parce qu'il allait payer pour l'avoir dans son lit qu'il devait manquer à la politesse. Bien que Shan ne soit pas vraiment reconnu pour sa politesse, il est vrai.